CPS4EU c’est maintenant que tout commence…

   L’évènement final du projet européen H2020 ECSEL-JU CPS4EU (GA N° 826276) s’est tenu les 9 et 10 novembre 2022 chez Valeo Mobility Tech Center à Créteil. L’occasion de découvrir le véhicule autonome de demain, qui utilisera de très nombreux systèmes cyberphysiques (CPS). Embedded France, partenaire de ce projet depuis ses débuts et initiateur dès 2016 de la réflexion sur les CPS (livre blanc remis en aout 2017 au ministre de l’Économie et des Finances Bruno Lemaire) a pu participer à ces deux journées. 

 

 

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La structure d’un fuselage d’avion repose initialement sur la fabrication d’une grande feuille en matériau composite, roulée sur elle-même pour former un tube. Dans un second temps des ouvertures sont percées dans ce tube. Mais afin de ne pas fragiliser la structure, le perçage et le forage se font de manière très lente. Analyser en temps réel toutes les données permettrait d’adapter la vitesse de forage sans pour autant créer de vibrations nocives, et ainsi de gagner un temps précieux. Ce projet est un des 16 use cases étudiés dans le cadre du projet Européen CPS4EU. Porté sur les fonts baptismaux en juillet 2019 mais issu d’un groupe de travail crée dès septembre 2016, CPS4EU a réuni pendant 3 ans, 36 partenaires industriels et académiques européens sur des projets coopératifs. Parmi eux, Thalès, RTE, Arcure, Acoem, Yumain, M3 Systems, Kalray, Sequans, Vsora, Sysnav, Schneider Electric, Valeo, Greenwaves, Ansys, le CNRS, le CEA et l’Inria. Captronic et Embedded France sont également associés au projet au titre de la dissémination des connaissances.

 

l Souveraineté, transition écologique, Edge Computing, 3 thématiques en plein essor

Financé par l’UE, CPS4EU vise à permettre aux fournisseurs de technologies CPS —principalement des PME européennes— d’améliorer leur efficacité et leur productivité, et donc d’accélérer leur croissance sur le marché international. L’objectif secondaire, auquel participe activement Embedded France, consiste à promouvoir les connaissances ainsi que l’utilisation des CPS dans tous les domaines industriels. CPS4EU est un projet clef dans le cadre de la réflexion sur la souveraineté numérique en Europe (Chips act). Le projet a également montré sa capacité à favoriser l’écoconception. Un sujet au cœur de préoccupations actuelles des entreprises et de citoyens européens. Il a enfin mis en évidence l’importance croissante de l’Edge computing. Comme bien des projets agiles CPS4EU est parti avec une feuille de route mais celle-ci s’est enrichie au fil du temps pour répondre non pas seulement aux problématiques initialement identifiées mais également aux problématiques d’avenir qui se sont fait jour au fil du temps.

l Briques logicielles et architectures réutilisables. Des outils phares pour améliorer la productivité et favoriser l’usage des CPS

Le socle du projet repose sur la création d’architectures réutilisables (PiArch). Quatre PiArch ont été définies à l’origine du projet (Edge computing, connectivité, capteurs et perception, systèmes coopératifs). Ces architectures ont été déclinées sur 16 use cases dans 3 domaines clefs, la mobilité, l’énergie, et l’usine 4.0). A ces 4 architectures initiales sont venues s’ajouter 2 autres architectures supplémentaires au fil du projet. Ainsi le projet d’ « architecture hétérogène », qui repose sur la combinaison dans une même architecture de composants de nature différente. Beaucoup de petites sociétés, comme Kalray et GreenWaves, ont mis au point des composants spécifiques. En combinant ces différents composants on parvient à créer des architectures plus complexes et de développer une architecture hétérogène puissante. » explique Reda Nouacer, chercheur au CEA et responsable du Work Package 5 au sein du projet CPS4EU. Cette notion de plateforme hétérogène se situe dans la logique du Chips Acts dans la mesure où elle renforce le poids et la visibilité de petites sociétés dont aucune n’a la dimension critique suffisante. Le gain apporté par cette architecture est double, d’une part, un gain de performance et d’autre part une augmentation de l’efficacité énergétique. L’autre architecture émergente porte sur la « simulation hétérogène distribuée ». « Quand on parle de CPS on souligne qu’il existe un lien fort entre la partie physique et la partie numérique du système.  Mais il faut des outils différents pour simuler le comportement de chacune de ces parties. » La nouvelle architecture vise précisément à répondre à ce défi. En pratique à quoi peut servir une telle architecture ? « Les industriels sont multisites. Sur chaque site on développe une partie du produit. Intégrer les différents éléments est très couteux en temps et en argent » indique Reda Nouacer.  La simulation hétérogène va permettre d’intégrer les modèles très en amont, avant de passer au produit fini. À tout moment, il est possible d’intégrer de nouvelles briques en fonction de leur maturité. L’architecture a été testée dans le domaine automobile, mais elle s’appliquerait à d’autres secteurs.

l De nouveaux marchés, des brevets déposés….

Sur ces 6 architectures, 3 d’entre elles (Connectivité, Computing et Heterogenous) ont confirmé, sur la base de différents use cases, qu’elles pouvaient être déclinées dans des secteurs multiples (aero, énergie, automobile) et sur des projets très variés

Les bénéfices du projet sont nombreux. CPS4EU permet aux différents acteurs de se positionner sur des marchés sur lesquels ils n’étaient pas présents jusqu’à lors. Par exemple Valeo, avec son kit de mobilité grand public, s’adresse pour la première fois directement au consommateur final. Le projet a rendu visibles des acteurs innovants dont les technos pourraient être déclinées de multiples façons. Par exemple, la camera Arcure de détection des piétons ou les capteurs Yumain, récompensés ces dernières années aux trophées de l’Embarqué.  A l’occasion du projet CPS4EU divers brevets ont été posés. 

De façon plus générale CPS4EU a montré l’efficacité d’une démarche coopérative fédérant des acteurs variés. Cette logique pourrait irriguer l’ensemble de l’écosystème. Passionné par les drones Reda Nouacer, coordinateur technique du projet européen COMP4DRONES, rêve ainsi que le secteur s’intègre dans une telle démarche ; « Le constructeur chinois DJI a réussi à fédérer autour de lui tous ses fournisseurs d’accessoires. En Europe en revanche, il n’existe pas d’écosystème en Europe capable de fournir ce package. » Une carence dont des sociétés comme Parrot souffrent.   « La plateforme Parrot est bonne mais il lui manque un écosystème ». CPS4EU a montré que l’Europe était riche en PME et startups apportant des solutions. Les fédérer, les rapprocher des grands donneurs d’ordres est un impératif pour faire de l’Europe le fer de lance de l’industrie du futur. 

l Et demain ? 

« Au moment de la rédaction de cet article, une suite au projet CPS4EU n’a pas été évoquée mais beaucoup de coopérations initiées dans le cadre du projet vont se poursuivre », conclut Etienne Hamelin au terme de ce périple de trois ans dans l’Océan des CPS. « On avait une carte avec beaucoup de terra incognita, on avait des outils, on a exploré de nouvelles routes. » L’équipage a été confronté à de rudes tempêtes (Covid19, crise des composants) mis il est rentré au port riche d’une foultitude d’enseignements : 110 livrables, plus de 100 publications, 9 brevets, 33 produits sur le marché ou sur le point de l’être… 

Encadré

Qu’est-ce qu’un système cyberphysique ? 

C’est une « extension connectée des systèmes embarqués », indique Etienne Hamelin, coordinateur scientifique de CPS4EU et chercheur au CEA. La partie cyber regroupe l’intelligence embarquée, la connectivité, le traitement des données. La partie physique les outils d’interaction du système avec le monde réel (capteurs et actionneurs). Les 11èmes Assises de l’Embarqué, qui se sont tenues à Bercy le 19 décembre 2018 à l’initiative d’Embedded France ont porté sur les CPS. Cette journée a permis de faire découvrir à un large public, l’existence de ces systèmes considérés aujourd’hui comme de véritables games changers dans des secteurs stratégiques aussi variés que la mobilité, l’énergie, ou l’industrie 4.0